MELONI RÊVET LA BOTTE DU POST-FASCISME

En juillet dernier Mario Draghi présentait sa démission de son poste de premier ministre de l’Italie. L’ancien président de la BCE avait perdu le soutien de la coalition de centre droit. Cette démission a par conséquent ouvert la voie à des élections anticipées qui ont eu lieu ce dimanche 25 septembre.

Le Palais Chigi (Siège de la présidence du Conseil des ministres ndlr) est déjà prêt à accueillir Giorgia Meloni la présidente de « Fratelli d’Italia », premier parti de la coalition de droite et d’extrême droite avec 45% et 55% des sièges du Parlement d’après les derniers sondages – elle a été élue. El Cavaliere -Silvio Berlusconi et Matteo Salvini, respectivement président de « Forza Italia » et « La Ligue » complètent ce trident. Ces résultats pourraient changer considérablement le visage de l’Europe. Ils marqueraient une véritable rupture dans l’histoire politique italienne.

Fratelli d’Italia un incipit galvaudé


Giorgia Meloni est officiellement la première femme à diriger le gouvernement italien. La quadragénaire issue de la classe moyenne a grandi dans le quartier populaire de Garbetella à Rome. Malgré un environnement et des parents idéologiquement ancrés a gauche, Giorgia se passionne très vite pour la politique s’engage au sein d’organisations Nationaliste voir post-fascistes. À l’âge de 15 ans, elle est membre d’Azione Giovani, « Action Jeunes », puis à Fronte della Gioventù « Front de la jeunesse ». Des organisations jeunes liés au MSI, (Mouvement social italien) fondé par Giorgio Almirante ministre de Benito Mussolini durant les années fasciste. Cette fascination pour l’ultra droite est assumée et proclamée puisqu’en 1996 elle louait ouvertement la politique autoritaire du « Ducce » face aux caméras de France 3.

En 1995, le MSI se renomme Alliance Nationale et devient un parti plus modéré sous l’égide de Gianfranco Fini et se rapproche de la droite de Berlusconi. Ainsi, Meloni est nomée ministre de la jeunesse entre 2008 et 2011. Son parti « Fratelli d’Italia » est fondé un plus tard avec
d’autres dissidents du parti de Berlusconi suite à des discordes internes.

Des partis en perte de vitesse

En Italie, les partis politiques sont en perte de vitesse. « La vie politique est toujours restée très pluraliste depuis le retour à la démocratie après 1945 – par contraste avec le parti unique imposé par le régime fasciste pendant les vingt années de dictature », explique Christophe Bouillaud, professeur agrégé et spécialiste de la politique italienne auprès du Figaro en août dernier.
Les offres trop étendues des différents mouvements politiques et l’impuissance des dirigeants qui se sont succédés peinent à remobiliser l’électorat italien. Les longues années de néo-libéralisme ont considérablement délaissé les ménages appauvris, très souvent irrités. Des ménages géographiquement et socialement périphériques qui se sentent, à tort ou à raison, dévalorisés.
Quant aux partis de gauche pourtant très populaire au XXème siècle comme le PCI (Parti communiste Italien), ils sont aujourd’hui très morcelés et peinent à se mobiliser durablement. Cette colère grandissante s’est matérialisée notamment par l’abstentionnisme mais également par la montée du populisme avec le parti la « Ligue » dirigé par le sulfureux Matteo Salvini.

Un discours décomplexé

Historiquement, la politique a toujours eu une place centrale dans la sphère médiatique qui plus est aujourd’hui avec l’avènement des formats numériques. En Italie, Matteo Salvini a été le détonateur d’une nouvelle façon de communiquer et de faire la politique, il s’est affranchi d’une sorte de bienséance à travers les réseaux sociaux. Ses points de vue plus proches de ceux des partis populistes et de la droite radicale sur des questions telles que le nationalisme, l’antieuropéanisme et l’immigration ont fait de lui un véritable précurseur en terme de communication politique.
De nombreux chercheurs ont revendiqué que le bord politique des populistes bénéficierait d’un large avantage des nouveaux médias numériques. En janvier 2018, le chercheur italien Giulano Bobba a étudié le « populisme sur les médias sociaux : caractéristiques et « likeabililé » de la
communication de la Ligue du Nord sur Facebook. »
Selon lui, un discours populiste est centré sur la juxtaposition d’un « bon peuple » et d’une série de « mauvaises élites ». En outre, surtout dans le cas des discours populistes de droite, les valeurs, les identités et les droits du peuple sont considérés comme menacés par les actions des élites. Les piliers du discours populiste sont donc « le peuple », « les élites » et « les autres » Les politiques populistes sont comme de véritables démocrates dans les démocraties et selon eux, aujourd’hui, « la volonté du peuple a été usurpée, déformée et exploitée par les élites. »

Le parti « Fratelli d’Italia » de Giorgia Meloni s’inscrit parfaitement dans cette lignée, puisqu’elle incarne également une certaine brutalité et une violence dans ces idées. Elle est notamment obsédée
par les questions d’identité et le catholicisme qui sont au cœur de son programme. Ces valeurs conservatrices se retrouvent sur les questions d’immigration, de famille naturelle car elle le martèle depuis le début de sa campagne « lutter contre toutes les formes de déviance chez la
jeunesse. »

Un tout autre visage pour l’Europe ?


L’Italie n’est pas le premier pays européen ou l’ultra droite collabore avec la droite traditionnelle. En Suède, le 11 septembre dernier, le parti « Mouvement de résistance Nordique » est devenu un parti qui compte avec près de 20,5% des voix dans la coalition droite suédoise. Cette idéologie est déjà bien implantée en Pologne ou en Hongrie avec Viktor Orban, considéré comme « le chat noir de l’Europe » par le Quai d’Orsay.
Alors, quelles sont les perspectives d’avenir de l’Europe avec une Italie aux mains d’un parti post fasciste ? Sur cette question, Giorgia Meloni est très ambiguë et l’Europe reste suspendue à ses lèvres à chaque des questions posée à la leader de « Fratelli d’Italia. »

Dans un entretien accordé à Reuters cette semaine elle assurait même « ne pas vouloir détruire l’UE », promettant de respecter les traités européens et de ne pas « faire de folies budgétaires ». Cependant, la même semaine lors d’un meeting à Rome elle continuait de semer le trouble en lançant : « si je
gagne, pour l’Europe, la belle vie c’est terminé. L’Italie se fera respecter. »
Pour les experts, elle ne s’est pas alliée au gouvernement Draghi mais la politique de Meloni pourrait s’en rapprocher avec des intérêts favorables au affaires. Une politique néolibérale classique avec néanmoins des privilèges nationaux.
En Avril 2021, dans le Monde diplomatique, Stephano Palombarini a mis en avant sa théorie du bloc bourgeois qui se défini par : « diviser les clivages de droites et des gauches et de restructurer l’espace politique. » (L’Italie, un laboratoire politique européen)
Par conséquent, « les oppositions s’identifient plutôt entre européistes et nationalistes, cosmopolites et identitaires,
fédéralistes et souverainistes. »
L’espace médiatique joue l’arbitre entre les bons et les mauvais programmes. Ce bloc bourgeois se traduit également par la « capacité d’orienter la stratégie de ses
adversaires. »

Pour illustrer, l’entrée au gouvernement du leader de la « Ligue » Matteo Salvini en 2018 a déçu les italiens puisqu’il a été incapable de répondre aux attentes du peuple malgré une politique populiste.
Aujourd’hui, son rôle est secondaire au sein de la coalition derrière Giorgia Meloni qui promet de rester fidèle à ses convictions.
Désormais, reste à savoir si sa ligne politique sera soutenable au pouvoir.

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