Lettre à Rani Assaf

“Il n’y a pas d’endroit dans le monde où l’homme est plus heureux que dans un stade de football » affirmait Albert Camus. Pour ma part, c’est vrai.

A Nîmes, c’est aussi le cas pour des milliers de personnes, elles qui ont déserté le stade des Costières, enceinte atypique et spéciale à leurs yeux, qui vit de bien tristes derniers mois. D’ailleurs le terme déserter n’est pas vraiment le bon. Le club, ou plutôt toi, Rani Assaf, a mis en place une politique tarifaire ahurissante pour un club de Ligue 2, qui a été vu comme une véritable chasse aux supporters les plus fidèles, mais aussi les plus précaires, mais l’humain a peu de place dans ton esprit. Tu es caractérisé par une gestion horizontale et catastrophique, un manque terrifiant d’humanité et de respect pour celles et ceux qui aiment profondément Nîmes Olympique. Dernièrement tu as décidé, tranquillement, de fermer toute une tribune, le Pesage, notre Pesage, car les groupes de supporters refusent de signer la fameuse charte qui interdit le craquage de fumigènes dans notre stade, mais aussi les insultes, pour donner deux exemples forts. Non, ce n’est pas une blague. Tu es l’incarnation de l’autoritarisme.

Imposer de telles mesures, impossibles à mettre en vigueur dans la réalité, sous peine de fermer une tribune entière, relève de l’absurde, ou du manque de respect. Surtout, quand on sait que tu vises principalement les Gladiators Nîmes 1991, eux qui sont minoritaires par rapport aux fans lambda. 

Pourquoi un tel acharnement ? Pourquoi être dans le rapport de force permanent ? C’est triste. Pour nous, pour les joueurs, pour le staff, pour le spectacle.

Le foot c’est la fête. Sans nous, le foot n’est rien. La période du COVID l’a montrée à ceux qui en doutaient encore. Depuis plusieurs mois, l’équipe ne joue jamais à domicile. A cause de toi. Nous étions une force par le passé. Quand on parlait de Nîmes, la question de l’ambiance mise par les supporters, du contexte particulier qu’on pouvait instaurer pendant les matchs, venait très rapidement. C’est impossible à occulter. Sauf pour quelqu’un d’aussi borné et anti-football que toi. Je ne suis pas persuadé que tu sois un grand businessman, car toute personne réfléchissant un petit peu à la question, comprendrait qu’il est bien plus intelligent, stratégique, et intéressant financièrement, d’avoir du monde dans son stade. Si deux ou trois fumigènes dépassent tout le reste, il ne fallait pas investir dans le football. Si tu le regrettes, la porte est grande ouverte. Tu ne manqueras à personne.

Contrairement à toi, les plus passionnés des supporters, dont font partie les Gladiators, traversent la France pour représenter leur équipe. Quand on fait plus de déplacements, que de matchs à la maison, comme c’est mon cas, tout est dit. Nous parlons de plusieurs milliers de kilomètres, du temps, de l’argent. Mais, quand on aime, on ne compte pas. 

Le gamin de 12 ans que j’étais lors de la victoire 2-0 contre le Poiré-sur-Vie, synonyme de montée en Ligue 2, avait des étoiles dans les yeux au moment de fouler la pelouse du stade des Costières, quand le terrain a été envahi, à l’issue de la rencontre. Le collégien de 15 ans était comme un fou en cours de physique-chimie, l’après-midi du 6 février 2015, en pensant à son tout premier déplacement, qu’il allait effectuer le soir même. J’étais heureux. Cerise sur le gâteau, nous avions gagné (0-1), avec l’aide d’un parcage plein. La saison suivante, j’ai vécu la plus belle saison possible en termes d’émotions. La saison des -8 points est à jamais gravée. Puis, à 18 ans, le rêve, qu’on pensait impossible, devenait réalité. La Ligue 1. Qu’est-ce que cela t’as fait de vivre des ambiances aussi folles que contre Marseille, Paris, ou Montpellier ? Les médias et les observateurs étaient unanimes et dithyrambiques.

Aujourd’hui, il n’est pas question de division, d’adversaires, car moi, cela m’importe peu au final. Je suis ambitieux et rêveur, alors oui, je veux être le plus haut possible. Mais, le plus important demeure d’être au stade, d’encourager mon équipe, d’agiter les drapeaux, de taper sur les tambours, aux Costières, et partout en France. Le stade représente tant de choses. Des souvenirs, des rencontres, des amis, des moments de joies, de tristesse, bref des moments de vie.  

Dans une période aussi morose que celle que nous vivons, liée à la crise sanitaire, et alors que j’ai été éloigné des stades pendant plus d’un an, aujourd’hui je suis poussé vers la sortie de mon propre stade, qui ne demande qu’à être animé. A l’instar des milliers d’autres personnes qui subissent cette situation, je suis triste et en colère. L’adrénaline du match à domicile, que j’attends toute la semaine, a disparu. Emportée par celui qui n’a pas tout compris. 

Normalement, quand un but aussi magnifique que celui de Cubas face à Toulouse est marqué, la folie s’empare du Pesage. Ce mardi-là, j’ai simplement vu un but quelconque, inscrit devant une tribune vide, et un stade vidé de son charme. Assis à la maison, ou en tribune latérale, c’est bien différent. 

“C’est toutes les semaines qu’on vient au stade pour chanter, c’est toutes les semaines qu’on vient au stade pour crier. allez Nîmois allez, allez Nîmois allez…” Incroyable mais vrai, celles et ceux qui entonnent ce genre de chants sont criminalisés. Tu nous criminalise. 

J’ai voulu exprimer mon profond désarroi face à la situation que nous vivons en tant que supporter de Nîmes Olympique. Avant de penser à construire ton stade, essaye de ne pas détruire la passion de ceux qui devraient être les premiers à le remplir.

 Je souhaite conclure ce billet par une citation qui n’a pas besoin d’être commentée, elle provient du sociologue Nicolas Hourcade, sociologue et auteur, spécialiste des supporters. Interrogé sur la situation en août 2021 par Midi Libre, il explique :

Nîmes est une ville de foot. Avoir une politique tarifaire aussi peu attractive, ça présente un risque à l’avenir, avec les plus jeunes. En raison de l’offre pléthorique qu’on a maintenant à la télé, ils peuvent se détourner vers des clubs plus prestigieux. Dans le contexte actuel de foot mondialisé, c’est important de conserver une culture locale avec des tarifs attrayants pour les enfants.

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