Henry David Thoreau, le résistant caché

Peu connu du grand public, Henry David Thoreau est un personnage important dans l’histoire des Etats-Unis. A travers sa dénonciation de l’esclavage et de la guerre, il a notamment inspiré des figures mondialement connues pour leur engagement comme Martin Luther King ou Gandhi. 

Né en 1817 à Concord, à proximité de Boston, Henry David Thoreau est un philosophe américain considéré comme précurseur et authentique. Il meurt en 1862. 

Son authenticité est marquée par son œuvre la plus connue, à savoir Walden ou la vie dans les bois, qui est une réflexion sur la vie simple menée à l’écart de la société, pour un être qui a vécu en retraite, dans une cabane au bord d’un lac. Habitation qu’il avait lui-même construite. Dans un certain sens, ayant vécu quelque temps dans ces conditions, le philosophe diplômé d’Harvard avait acquis la légitimité d’évoquer la vie quotidienne dans les bois.

Au cours de la remise des diplômes, Henry David Thoreau prononçait un discours très critique envers la société, qui est, selon lui, profondément injuste. 

Il démissionne après une semaine d’enseignement à l’école publique, refusant de battre les élèves. 

Il me plaît d’imaginer un Etat qui puisse se permettre d’être juste envers tous les hommes

Henry David Thoreau

Thoreau est aussi connu pour être critique envers ce que représente l’Etat, à son époque, et surtout, pour son positionnement contre l’esclavage. “ Il faut dénoncer haut et fort l’esclavage et ceux qui le soutiennent, et même commencer par ces derniers. L’esclavage commence sitôt qu’il trouve des partisans “ assure t-il.

En effet, après s’être positionné en opposition à l’esclavage et à la guerre lancée par les Etats-Unis contre le Mexique, il séjourne en prison quelques jours dans sa ville de naissance. Il avait refusé de payer ses impôts, en lien avec ses convictions profondes, alliant la pensée ainsi que la parole, aux actions. C’est là que son texte, publié en 1849, La Désobéissance civile, avec la fameuse devise qui ouvre l’ouvrage “ Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins “ naît. Il s’agit d’un des textes fondateurs de la contestation sociale du XIXe et du XXe siècle. Ce pamphlet tire ses racines de la révolution américaine de 1775. 

De plus, il inspire des contestataires mondialement connus, et éloignés de son époque : Gandhi, Martin Luther King et Tolstoï. Trois figures de la non-violence.

Ainsi, Thoreau est devenu un symbole de la non-violence et plus globalement du pacifisme. 

Pour Thoreau, l’être humain et l’aspect moral prime sur tout, même la loi, qui passe après dans sa conception du monde, et de la société idéale. « La seule obligation que j’aie le droit d’adopter c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste », indique t-il.

Puis, Luther King s’en inspira 

Dans l’éducation politique et philosophique de Martin Luther King, figure majeure de la lutte au XXe siècle, Thoreau tient une place essentielle. En effet, Luther King fut particulièrement marqué par la lecture de Henry David Thoreau, lorsqu’il était alors jeune étudiant. Après avoir découvert l’essai sur la désobéissance civile, Dr King était en accord avec l’idée de refuser de collaborer avec un système qu’on juge mauvais. Cet ouvrage, qu’il lu plusieurs fois, tant il l’avait bouleversé, constitue son premier contact intellectuel avec la théorie de la résistance non-violente.

J’ai alors acquis la conviction que le refus de coopérer avec le mal est une obligation morale, tout autant que la coopération avec le bien. Nul n’a su défendre cette idée avec autant d’éloquence et de passion que Henry David Thoreau. […] Les enseignements de Thoreau ont repris vie dans notre mouvement pour la défense des droits civiques. En vérité, ils sont plus vivants que jamais. Ils s’expriment par l’occupation d’un comptoir de restauration interdit aux Noirs ; par une manifestation pacifique à Albany, en Géorgie ; par le boycottage des autobus à Montgomery, dans l’Alabama. Telles sont les conséquences de la ferveur avec laquelle Thoreau nous a enseigné qu’il faut résister au mal et qu’aucun homme soucieux de moralité ne peut patiemment supporter l’injustice

explique Luther King
Ravivons le rêve de Martin Luther King - France Catholique
crédit : Licence Creative Commons france-catholique.fr /
Martin Luther-King

L’héritage de Thoreau réside notamment dans le fait qu’il ne faut pas s’arrêter aux lois du pays dans lequel on lutte puisque cela peut restreindre grandement le champ d’action. De plus, si l’individu estime que ces lois sont injustes, c’est son devoir moral, en tant qu’être humain, de les surpasser afin de faire face à l’injustice, la combattre, et finir par la surpasser. 

Il existe deux catégories de lois : celles qui sont justes et celles qui sont injustes. Je suis le premier à prêcher l’obéissance aux lois justes. L’obéissance aux lois justes n’est pas seulement un devoir juridique, c’est aussi un devoir moral. Inversement, chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes.

indique l’ancien Pasteur.

Ses paroles s’inscrivent dans la lignée de celles écrites par Henry David Thoreau en 1849 :

Des lois injustes existent : nous satisferons-nous de leur obéir ou tâcherons-nous de les amender, de leur obéir jusqu’à ce que nous y avons réussi, ou allons-nous les transgresser sur le champ 

La légitimité de la désobéissance civile est construite sur l’idée que l’injustice peut être vaincue de manière efficace que si l’on construit une force collective non-violente. Cette dernière doit être consciente de l’enjeu, et donc, des possibilités de sanctions auxquelles elle s’expose, ces dernières étant le prix à payer en temps de lutte. 

Thoreau, toujours d’actualité ? 

Une justice sociale, un État soucieux de la dignité humaine, et des individus majoritairement enclins à être passif, en subissant le temps politique. Voilà des thématiques mises en avant par la pensée du philosophe américain qui sont toujours d’actualité aujourd’hui, notamment en France. 

La question de la dignité humaine qui surpasse des lois considérées comme injustes, idée défendue par Thoreau, peut faire écho à une intervention qui a fait réagir dans le débat public récemment. Julien Odoul, porte-parole du Rassemblement National, parti qui a l’ambition de diriger le pays, disait sur le plateau de BFMTV, ce jeudi, qu’il fallait laisser les migrants mourir de froid. On parle d’hommes, de femmes, d’enfants, ou tout simplement d’êtres humains. La violence des propos est inouïe, pourtant considérés comme un simple “dérapage” par la chaîne d’information en continu sur son compte twitter. 

Thoreau, Henry David - CRNV

De plus, Henry David Thoreau qui opte pour une posture d’égalité totale entre les individus, qui est contre les systèmes d’exploitation, en tant que anti-esclavagiste, serait sans doute assez surpris qu’au XXIe siècle, en France, les thèmes principaux autour d’une élection présidentielle qui approche, soient l’immigration, la sécurité, alors que le pouvoir d’achat est la première préoccupation de la population. Ce constat est aussi le fruit d’une extrême-droitisation de la sphère politico-médiatique avec une libération de la parole parfois déconcertante dans les médias traditionnels. La figure du conservateur, ainsi que ses idées, plane sur la société.

Il ne peut imaginer cette époque, pour lui inconcevable, où la génération montante sera sur un pied d’égalité avec celle qui l’aura précédée. Il a toujours le sentiment que son principal devoir est de conserver la loi, l’ordre et les institutions tels qu’il les a trouvés

confie Thoreau au sein d’un de ses écrits.

Une définition claire et terriblement d’actualité de l’individu conservateur là pour défendre ses intérêts et rejeter toute idée progressiste. 

A l’heure où le pays connaît une crise démocratique majeure, où la population s’abstient énormément lors des élections, où beaucoup ne croient plus au système actuel, estimant qu’il ne favorise pas la réponse aux besoins primordiaux des Français, la lecture et l’analyse de la pensée de Thoreau semble très intéressante. Sans oublier le côté passif de la société mentionné par Thoreau avec un consentement souvent automatique aux décisions, que l’on peut transposer à la période unique à laquelle l’humanité fut confrontée durant la crise du Coronavirus, avec des décisions pouvant être considérés comme liberticides (couvre-feu, confinement, pass sanitaire). Ces dernières pouvant aussi évoquer, selon certains, la stratégie du choc, défendue par Naomi Klein au sein de l’ouvrage du même nom.

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