Le XIXe siècle fut marquant et fondateur pour le mouvement ouvrier et les courants libertaires dans le monde entier. De la naissance de l’anarchisme à la propagande par le fait dans les années 1890 en passant par la fameuse Commune de Paris. Pendant 72 jours, du 18 mars 28 mai 1871 le peuple parisien a d’abord été l’étendard des insurgés avant de faire office de chair à canon du gouvernement lors de la semaine sanglante.
Contexte et mise en place
150 après, la Commune de Paris représente toujours un certain idéal sociétal pour beaucoup de militants investis dans les luttes. En France mais aussi au niveau mondial car la résonance de la Commune est internationale même si elle est parfois peu connue du grand public.
La gauche de la gauche a réussi à mettre à mal le pouvoir en place grâce à une insurrection populaire, à une auto-gérance et expérimenter le fameux slogan “pouvoir au peuple” ainsi que les paroles de la première internationale qui a lieu à Londres en 1864. L’organisation qui revendique la conquête du pouvoir politique affirme que : “l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes”.
Le contexte est particulier où Paris est doté d’un bastion républicain important mais surtout la guerre déclarée par Napoléon III à la Prusse en 1870. La débâcle est totale, ce qui aboutit sur une capitulation à l’issue de la bataille de Sedan, le 1er septembre de cette même année. Une terrible défaite militaire et politique. L’empereur est emprisonné en Allemagne, c’est la fin du Second Empire.
Suite à cela, la population parisienne est très touchée par le siège dont la ville est victime et les Parisiens se sentent à la fois humiliés et trahis par les gouvernants de la Défense Nationale qui ont cédé face aux allemands en signant l’Armistice.
Le pied de nez ultime aux Parisiens et à l’ensemble des Français réside dans l’acceptation de la tenue d’un défilé prussien sur les Champs-Elysées.
L’ultime provocation pour les habitants de Paris où les républicains règnent, est la localisation de la toute nouvelle Assemblée à Versailles…Une assemblée majoritairement monarchique. Les premières mesures font monter les tensions déjà importantes notamment lorsque le gouvernement décide de lever la suspension des loyers qui avait été instaurée pendant la guerre, ce qui revient à mettre un certain nombre de personnes à la rue sans oublier la censure de plusieurs journaux révolutionnaires. Plusieurs mesures économiques mettant encore plus en difficulté les ouvriers qui vivent dans des situations très difficiles aboutissent à un sentiment de révolte de la part de ces derniers. L’effervescence révolutionnaire se développe chez des individus qui se sentent étranglés.
Dans ce contexte difficile où la colère gronde, le chef du gouvernement, Adolphe Thiers souhaite récupérer des canons encore présents dans la ville dans le cadre de la défense en temps de guerre et plusieurs milliers de soldats arrivent sur les lieux.
Toutefois, en ce 18 mars 1871, désormais historique, ils font face à une foule qui fait barrage, décidée à ne pas laisser faire les soldats qui finissent par se rallier au peuple. Le terme fédérés désigne les soldats de la Garde Nationale qui ont participé à l’insurrection et la mise en place de la Commune, aujourd’hui on associe à ce terme, plus largement, l’ensemble des partisans de la Commune de Paris. Les combattants émanant des quartiers populaires sont présents en masse au sein de la révolte, de manière assez révélatrice.
Deux généraux sont capturés et tués ce jour-là, le premier étant le général Lecomte qui avait demandé à ses hommes de tirer sur la foule. Une forme de désobéissance s’opère alors. Cette action fraternise officiellement la population avec les soldats.
Paris se barricade et se trouve dirigé par les révolutionnaires. De son côté, le gouvernement s’exile à Versailles, laissant donc la possibilité aux parisiens de s’auto-organiser.
Le 26 mars, des élections sont organisées et diverses couleurs politiques sont représentées avec des anarchistes, socialistes, républicains. Bref, l’extrême-gauche est au pouvoir. Parmi les élus, des ouvriers, des médecins, des artisans, des journalistes ou encore des artistes. Une réelle fracture avec le profil des représentants habituels du peuple.
La Commune représente le premier Etat ouvrier de l’histoire, un marqueur fort et historique pour l’ensemble des libertaires.
Elle transforme drastiquement les habitudes démocratiques de l’Etat bourgeois avec l’abrogation de la police et de l’armée permanente, une justice gratuite mais aussi un contrôle des élus accompagné d’une possibilité de révocation. Cette dernière est une idée encore présente aujourd’hui chez de nombreuses personnes qui critiquent le modèle démocratique actuel. Au niveau de l’éducation, les changements sont aussi importants avec une école gratuite, obligatoire et laïque, sans oublier le salaire des enseignants qui est doublé.
D’ailleurs, petit clin d’œil à l’histoire car la Commune prend ce nom par rapport à la municipalité parisienne qui s’appelait aussi comme ça lors de la révolution française de 1789. La flamme de la Commune insurrectionnelle ne demandait qu’à être rallumée.
Paris devient un véritable laboratoire social où les femmes jouent aussi un rôle prépondérant, notamment lors de la journée du 18 mars, elles étaient présentes dans la foule qui a fait face aux soldats. Puis, il est impossible de parler d’elles sans mentionner Louise Michel, cette militante anarchiste qui demeure une figure essentielle de la Commune ainsi que de futures grandes luttes et évènements.

La semaine sanglante
Pendant que les insurgés dictent les choses et que la ville se met au rythme d’un nouveau mode de vie, le gouvernement officiel se prépare à riposter.
L’armée est renforcée, le gouvernement reçoit même de l’aide venue directement de la Prusse avec la remise en liberté de 60 000 prisonniers. Ainsi, début début avril les affrontements donnent lieu à de nombreuses défaites pour les Fédérés qui ne font pas le poids.
Le 21 mai marque le début de la semaine sanglante. Les forces venues de Versailles, endroit où le gouvernement est exilé, débarquent à Paris. Durant toute la semaine, jusqu’au 28 mai, près de 130 000 hommes font subir une répression d’une violence inouïe aux quelques dizaines de milliers de Communards.
Pendant cette période, en signe de désespoir ou d’ultimes actions de désordre, les Fédérés incendient plusieurs monuments de Paris. Le palais des Tuileries, le palais de justice et comme un symbole, l’hôtel de ville, là où une foule enthousiaste avait célébré la naissance de la Commune de Paris suite aux élections.
Finalement, après une semaine d’affrontements d’une violence extrême, l’ultime barricade tombe. C’est la fin de la Commune. Le sang était partout. Aujourd’hui encore, l’estimation du nombre de morts varie entre 10 000 et 20 000. Impressionnant, glaçant. Plus de 40 000 Communards sont arrêtés et emprisonnés en Nouvelle-Calédonie , colonie française la plus éloignée. Signe de la peur et du rejet de l’ordre dominant envers ces évènements. Cette semaine sanglante est un point de rupture extrêmement important entre les forces de droite et celles de gauche notamment en raison de la répression imposée par le gouvernement officiel.
Il s’agit d’un mythe fondateur qui mériterait beaucoup plus d’explications tant il regorge d’histoires et fascine, notamment à gauche. Marx et Engels, deux penseurs incontournables de la cause libertaire voyaient la Commune comme la première dictature du prolétariat. Elle a vu le jour après une blessure patriotique marquée par les conditions humiliantes de la paix, d’une conscience républicaine inquiète en constatant l’apparition d’une majorité monarchiste à l’assemblé et évidemment d’une crise sociale pernicieuse.
De plus, elle a une résonance encore très forte à travers des ouvrages mais aussi des chansons. Par exemple, L’internationale a été écrite par un Communard, elle accompagne de nombreuses manifestations et mouvements sociaux d’une part en souvenir de la Commune de Paris et d’autre part en guise d’espoir d’un monde meilleur, plus égalitaire et d’un but lointain, le renversement du système capitaliste par les prolétaires. Pourtant, en France le grand public entend peu parler de ce moment de l’histoire de France, sans doute car le temps fait son effet mais la Commune demeure incontournable et fête ses 150 ans. Pour l’occasion, de nombreuses festivités ont lieu dans la capitale.
Il m’a semblé intéressant d’en parler afin d’avoir une certaine approche sur ce qu’il s’était passé entre le 18 mars et le 28 mai 1871 dans notre pays.