Que valent réellement les sondages d’opinion ?

Aujourd’hui, le sondage est omniprésent dans les médias et donc dans nos esprits. Effectivement, par rapport à la démocratie athénienne où la relation entre le pouvoir et le peuple était directe, la médiatisation constitue l’intermédiaire. Cette dernière est multiple notamment à l’ère du numérique.

Qu’est-ce qu’un sondage d’opinion ?

Le sondage vise à déterminer l’opinion ou l’intention de vote probable en période électorale à travers un échantillon représentatif de la population. Par exemple, George Gallup, inventeur de cette notion en 1936, avait interrogé 5000 personnes aux Etats-Unis dans le cadre de l’élection présidentielle. En France, c’est Jean Stoezel, créateur de l’IFOP, qui reprend la technique deux ans plus tard mais le sondage s’impose réellement dans notre pays en 1965.

Depuis, le monde politico-médiatique a régulièrement recours aux sondages afin de mesurer l’opinion publique. Une expression assez floue que nous entendons, pourtant, quotidiennement. 

Outre la crise sanitaire, l’horizon politique c’est l’élection présidentielle de 2022 et depuis quelques semaines la course est lancée. Entre les sondages qui rendent déjà une partie de la population fataliste, les unes de Libération affirmant que l’électorat de gauche ne semble plus enclin à faire front face à Marine Le Pen ou encore les phrases chocs de G. Darmanin, actuel ministre de l’intérieur, qui souhaite s’accaparer les électeurs du Rassemblement National.

Dans ce climat j’ai voulu, personnellement, m’intéresser aux sondages qui vont, sans aucun doute, jouer un rôle encore plus important qu’à l’accoutumée avec une campagne qui risque, en tout cas pour le moment, de se dérouler davantage par médias interposés ou émissions de débats télévisées que sur le terrain.

Quels sont les effets de ces fameux sondages ?

Les politologues en retiennent six.

D’abord le band wagon qui consiste à rallier l’électeur vers celui positionné en tête dans les sondages, ensuite l’effet Underdog poussant à voter pour le candidat en difficulté, mais aussi l’effet “humble the winner” c’est-à-dire bouder le candidat en tête. L’effet “Snub the looser”, à l’inverse, consiste à bouder celui qui est à la traîne car la personne estime que cela ne sert à rien de voter pour lui, puis le vote utile, c’est le fameux « barrage » à l’extrême droite comme en 2002 ou en 2017 et enfin la spirale du silence qui pousse à l’abstention car le candidat favori de l’individu n’est plus en mesure de l’emporter.

Forcément, chaque citoyen s’est déjà retrouvé face à un de ces effets, lorsque nous débattons de sujets politiques ou d’élections, la situation suivante est quasiment systématique : la question du sondage intervient à un moment ou un autre. Par exemple « impossible qu’il/elle s’impose il/elle semble bien trop loin dans les sondages » ou « c’est sur que ce(tte) candidat(e) va remporter l’élection, tu as vu le dernier sondage IPSOS ? ».

De plus, l’utilisation exponentielle des réseaux sociaux accentuent la possibilité de ces effets sur les récepteurs puisque les résultats des sondages sont commentés, en bien ou en mal, mais permettent à ces derniers de faire l’actualité, de toucher davantage de personnes et d’entrer dans l’inconscient collectif. A la lecture de certains commentaires nous avons même l’impression que l’élection présidentielle vient de se jouer. Les réseaux sociaux se distinguant une nouvelle fois par un manque criant de mesure et un manichéisme exacerbé tandis que bien des éléments et des bouleversements peuvent se dérouler en un an… Il n’y a qu’à se souvenir de 2017 avec celui qui figurait comme l’ultra-favori dans les sondages : le Républicain, François Fillon, finalement mis en examen quelques semaines avant le dénouement.

Photo de Element5 Digital sur Pexels.com

2022, un 2e tour inéluctable ?

Durant l’intégralité de son quinquennat, Emmanuel Macron a désigné l’extrême droite comme son seul et unique rival. Celui dont il fallait se méfier, mais également celui qui lui a permis de largement s’imposer en 2017 grâce à un front républicain – comme il est surnommé communément – qui a fonctionné.

Cependant, ce front paraît aujourd’hui extrêmement fragile. Après avoir constaté la répression d’une violence inouïe du mouvement des Gilets Jaunes, les nombreux «cadeaux» faits aux riches et l’accroissement des inégalités à travers une politique néo-libérale, une partie importante des électeurs n’entend pas voter à nouveau pour le candidat LREM, même dans l’optique d’un duel annoncé avec Marine Le Pen.

Mais, le fatalisme politique gagne du terrain chez beaucoup de personnes et souvent, les sondages représentent une des causes. Il est vrai que je trouve ça, personnellement, peu intéressant d’avoir ces sondages concernant une élection qui aura lieu dans plus d’un an avec une majorité des candidats encore inconnus. Aujourd’hui, dans l’inconscient collectif, la revanche du deuxième tour est inévitable, alors que la campagne vient tout juste de débuter. Comment ce décalage est-il possible ?

Un exemple récent, dimanche dernier sur LCI, une émission de plus d’une demi-heure consistait à analyser les résultats d’un sondage qui concernait l’intention de vote au premier tour de l’élection mais aussi du deuxième. Sans surprise, Emmanuel Macron et Marine Le Pen arrivèrent aux deux premières positions et le président actuel se voyait selon ce scénario être réélu avec 53 % des voix. Toutefois, à plusieurs reprises le présentateur de l’émission et son invité, Directeur d’un institut de sondage affirmaient, très justement, qu’il était encore bien trop tôt pour réaliser ce genre de pronostics. Le Directeur de l’institut de sondage paraissait gêné quand il était invité à réagir aux résultats du deuxième tour, il n’hésite aucunement à rappeler que la marge d’erreur est comprise entre 2 et 3 points, et a notammnet insisté sur la précocité de ces sondages.

Mais alors pourquoi passer autant de temps à en parler, inviter un Directeur d’institut de sondage pour commenter et analyser des résultats d’intentions de vote encore farfelues et peu garanties, la question mérite d’être analysée.

Surtout lorsque l’on connaît le rôle déterminant de la télévision, elle représente même, selon le sociologue Pierre Bourdieu, « une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d’une grande partie de la population »

Le sondage d’opinion a des effets, il nous conditionne de manière consciente ou pas mais il s’impose aussi à nous car il est fortement utilisé et exploité par les médias dominants, en particulier à la télévision. Pierre Bourdieu, encore lui, affirmait : «un thème ne devient déterminant, central que lorsqu’il est repris, orchestré par la télévision et investi du même coup d’une efficacité politique. »  

Le débat démocratique est alors biaisé par ce prisme, on se souvient toujours du dernier sondage qu’on a lu ou dont on a entendu parler sans même s’intéresser à l’échantillon ou à certains détails parfois importants. Il ne s’agit pas de faire le procès de cet outil qui fait partie de l’échiquier politique depuis plus de 50 ans mais de simplement ne pas oublier qu’une élection doit avant tout se jouer au sein du débat d’idées, de confrontations directes ou indirectes avec le peuple ou ses opposants comme lors de meetings ou du travail sur le terrain auprès de la population.

C’est maintenant à cette dernière de s’informer et décider de son destin démocratiquement concernant l’avenir d’un pays qui traverse de multiples crises (sanitaire, économique, sociale et écologique) à partir de 2022.

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