Le cri de détresse du football amateur

“Tout ça n’a aucun sens”, voilà les mots de Damien Lang, président du FC Truchtersheim, club de district français. Ce dernier s’est adressé directement au président de la FFF, Noël Le Graët, dans les colonnes de France Football. C’est très important qu’un média aussi important rende compte de la situation catastrophique dans laquelle se trouve le football amateur aujourd’hui à travers plusieurs témoignages poignants de ces anonymes, de ces acteurs de l’ombre du football français.

Les jours, les semaines et les mois passent mais rien ne change. L’autre football est à l’arrêt, celui pour qui les histoires de droits TV et les millions dont nous parlons sont si lointains. Celui qui regroupe à travers l’ensemble du territoire près de 15000 clubs, 2 millions de licenciés avec la moitié âgés de moins de 20 ans. Une situation de moins en moins tenable et surtout de moins en moins compréhensible. Pour préciser, je m’attarde sur le football car c’est le sport auquel je suis le plus proche mais il n’est bien évidemment pas le seul. De plus, chaque week-end était l’occasion pour moi lorsque c’était encore possible de sillonner les routes et d’assister ou participer à des confrontations pour mes différentes missions.

A la suite de la fin brutale de la saison 2019-2020 à cause de la crise sanitaire, nous savions que cette saison serait particulière et sans doute fortement perturbée. Mais, après quelques mois de compétitions, tout s’est arrêté. Nous sommes fin octobre et un deuxième confinement est annoncé, beaucoup moins strict que le premier.

Le problème est que, depuis, les compétitions n’ont pas repris. Quatre mois interminables pour l’ensemble des « petits clubs », des éducateurs, des joueurs, des arbitres et de toutes les personnes qui participent de près ou de loin à la vie du foot amateur, ces bénévoles de l’ombre trop peu mis en lumière. Dans une période aussi anxiogène, qui dure depuis près d’un an, les rencontres du week-end représentaient une éclaircie. Un semblant de vie normale avec deux équipes, un corps arbitral et un peu de public pour compléter le tout. 

Alors, la question c’est pourquoi ? 

Il est possible d’avoir des transports en commun bondés par les personnes se rendant au travail la semaine. Sans oublier les personnes qui affluent dans les magasins, en particulier le samedi. Il est également possible de prendre l’avion, aller à l’autre bout du monde pour des raisons professionnelles par exemple, ou prendre le train pour traverser la France. Tant d’endroits où beaucoup de personnes se rencontrent, se croisent parfois pour des raisons existentielles et parfois pas.

 Il est aussi possible d’avoir la poursuite des championnats professionnels, mais aussi de la troisième et prochainement la quatrième division.

Les raisons économiques sont évidentes mais que fait-on du reste? Que fait-on de toutes ces personnes confrontées à un couvre-feu à 18h depuis plusieurs semaines, à des jeunes, tristement surnommés « génération sacrifiée ». Des étudiants à ceux qui entrent dans un marché du travail où la précarité bat son plein en passant par les lycéens qui se voient privés de leurs meilleures et plus belles années disent-ils.

En effet, Ghislain Correa responsable de l’école de foot de Balma mais aussi membre du staff des équipes U15 et U17 confirme auprès de France Football :

“Dans la tête des jeunes c’est terrible… Ils se sentent punis, il y a un gros travail mental à faire avec eux.”

Les moments de sociabilité, de convivialité sont rares aujourd’hui. Le football permet à ces personnes de s’évader du quotidien, de sortir de la morosité, du moins pendant un laps de temps. Un entraînement, un match, une causerie, un but marqué ou encaissé. Tous ces moments singuliers que nous pouvons, aujourd’hui, seulement imaginer. 

Photo de Mica Asato sur Pexels.com

La lassitude de l’ensemble de la société française est à son comble. 

La situation du foot amateur est, donc, gravissime. Ce dernier étant coincé entre le silence et le mépris des institutions. L’incompréhension gagne de plus en plus les esprits et la peur d’une saison qui pourrait ne pas reprendre se fait grande.

Olivier Chavanon, directeur sportif de Thonon Evian Grand Genève FC fut lui aussi questionné par France Football. Il a d’ailleurs côtoyé le monde professionnel lorsqu’il était à la tête de Clermont entre 2003 et 2005 est en accord avec le constat actuel et le tableau noir dressé : 

“Aujourd’hui nous sommes dans l’inconnu. Tout est remis en cause. Il y a une vraie problématique humaine en dehors de l’impact économique qui touche tout le monde. On retire aux gens leur loisir, on les prive de ce qu’ils aiment…Même si la santé est prioritaire nous sommes des responsables, les personnes qui mangent dans un self ou prennent le métro sont bien plus en danger que des joueurs et des joueuses sur un terrain extérieur de cent mètres sur soixante-dix.”

Cela semble évident, et pourtant…

Le foot pro qui dispose de toujours plus de matchs qui alourdissent les calendriers ne peut vivre sans son pendant, le foot amateur. Depuis plusieurs mois, la face cachée du football hexagonal est délaissée, mise de côté pour de bon et cela est vécu comme un coup de massue par ceux qui le font vivre tout au long de l’année.

L’activité sportive, pourtant nécessaire et même indispensable pour l’individu tant au niveau de la santé que du lien social.

De plus, le foot ce n’est pas qu’un simple sport, il s’agit du sport le plus populaire et c’est le reflet de la société. Accessible à tous, vecteur de mixité et d’inclusion sociale pouvant se transformer en symbole du fameux ascenseur social. A l’image de la société dans son ensemble, cet ascenseur est en panne. La question c’est jusqu’à quand…

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